• "Jocelyn, veux-tu aller porter la "24" du mon-sieur à l'auto?
• "Oui, j'arrive".
Vous venez de faire connaissance avec Joce¬lyn Dumoulin, co-propriétaire du Dépan¬neur Saint-Antoine. L'autre moitié, Lise Guénette, vous l'identifierez par la phrase suivante: "...qu'est-ce que vous allez écrire? Je suis assez gênée. On est habitue' à faire de la publicité pour les autres, pas pour nous..."
Faire la connaissance de ce couple qui ensoleille le coin de la 20e et du boulevard Saint-Antoine depuis cinq ans, c'est pren-dre un bain d'amour inconditionnel. Les quelques centaines de clients qui
fréquentent ce commerce le savent sûre-ment déjà. Sûrement, parce que Lise et Joce¬lyn diront d'un commun accord (ça leur arrive très souvent): " On est chanceux d'avoir acheté ici, les gens sont assez fins. C'est pas croyable comme ils sont fidèles et honnêtes". On appelle ça la "loi du retour".
Une autre question qui surgit quand on voit leurs projets: "Avez-vous hérite' ou gagné un gros lot?" Par le fruit des circonstance, la même question a été posée aux deux tourtereaux séparément. La réponse a été la même dans les deux cas: un grand éclat de rire puis: "....ben non, on a juste travaille". Ce que Jocelyn complétera par une formule peu banale: "Mon père m'a toujours dit, lâche pas, tu vas perdre la main".
LAIT ET CREME GLACEE
Si on se permettait de les indentifier ces deux partenaires dans la trentaine... Ils sont natifs de Ferme-Neuve. Le grand amour puis tous les deux entreront au service du père de Lise, propriétaire d'un Métro-Richelieu à Labelle. Lui comme boucher, elle comme caissière. Le mariage et l'amé-nagement dans un 3 1/2 au-dessus du magasin où l'amour porte son fruit. Le jeune couple se rapproche de Saint-Jérôme. "On y avait de la famille". Lise enceinte, on convient de lui donner un peu de repos et Jocelyn achète la route de laitier de Gaétan Lachance puis celle de Tom Forget. Quelque chose comme 400 clients en plus de dizaines de restaurants et de l'Hotel¬Dieu entre autres. jocelvn a tout plein d'anecdotes sur cette période où de la mai-son Lise va s'occuper de comptabilité, et d'innover en préparant par téléphone des "routes de crème glacée" que Jocelyn ira livrer le mercredi, son jour de "congé". Déjà on a appris à rationaliser, à travailler de façon iogique: "La madame qui prenait une pinte de lait le mardi et sa voisine qui en prenait une le lundi ont gentiment accepte' que je ne passe qu'une fois dans leur rue au lieu de deux. Je pouvais donc servir plus de clients". Faut dire que cet engouement du travail a coùté plusieurs ensembles de ressorts sur le camion du laitier. Mais, il n'a pas hésité à faire installer un système de réfrigération de 5,000.$ sur ce même camion, ce qui lui évitait bien des voyages à la laiterie, donc un meilleur service à sa clientèle. Pendant cette période, pour ne pas être en reste, l'épouse suivait des cours de comptabilité au Cégep et participait à des sessions de connaissance de soi.
LE DEPANNEUR
Le deuxième chapitre s'amorce en 1989. Après cinq ans comme laitier, les enfants en pleine forme (Mélanie a aujourd'hui 11 ans et Tommy 8 ans), on décide de passer à autre chose où Lise et Jocelyn travailleront ensemble. On achète le Dépanneur Saint-Antoine. Un an plus tard, on le reconstruit de fond en comble en doublant sa superfi¬cie puis on ajoute un club vidéo. De cette première construction on retient les pre¬miers signes d'attachement de la clientèle. "Tout le non périssable était dans des boîtes un peu partout dans le magasin. Les gens nous dis¬aient de ne pas nous déranger et ils fouillaient eux-mêmes, avec ie sourire, pour trouver ce dont ils avaient besoin. Et ces gens ont continué de nous encourager, n'est-ce pas merveilleux"? Et on donne le grand coup avec l'achat de la propriété voisine et le lancement d'un pro¬jet d'envergure: un agrandissement qui coùtera cette fois-ci près de trois auarts de Millions$. D'où cette question si indiscrète. Le travail, la coordination, le respect de l'autre sont ia vraie réponse à cette interro¬gation. Trois autres commerces viendront s'ajouter à l'été à un club vidéo oui va quadrupler de superficie. Au fait, le très populaire vidéo off on va améliorer consid¬érablement est maintenant la propriété de Yolande Poirier, la soeur de Jocelyn Dumouiin. Bien sûr le dépanneur, déià ouvert 365 jours par année avec sa réputée boulangerie va bénéficier aussi d'un rafraîchissement important.
LE RESPECT
Les autres ingrédients de la recette? On l'a dit: le travail, la coordination et le respect de l'autre. L'autre ça peut fort bien aussi être le client ou le fournisseur. Par exemple, Lise ne s'arroge jamais le droit d'être de mauvaise humeur ou de manifester sa fatigue. "Si je sens ça venir, je change de place. Par exemple, je vais retrouver "mes filles" à la boulangerie". Malgré son jeune âge, toutes ses employées sont "ses filles". A la boulangerie, où on cuit jusqu'à 250 pains par jour en plus de la charcuterie, des sous-marins et des sandwiches toujours frais du jour, elle prépare les recettes et goûte le produit. Comme pour les achats: "Je fais ça avec amour. Si un ourson ou une sorte de bis¬cuit ne me plaît pas, je n'achète pas. Et les four¬nisseurs le savent. Si ce n'est pas bon pour moi, ce n'est pas bon pour mes clients". Faut
d'ailleurs voir et apprécier le talent et le don de soi de Lise Guénette quand elle prépare son fameux "coin bonbon". Elle achète, dis-pose et offre avec des veux d'enfants. Bien sûr c'est un commerce qu'elle opère, fort bien d'ailleurs, mais tout ce qui s'adreesse aux enfants garde un petit arrière-goùt de merveilleux. Les témoignages de clients et de d'autres qui sont déménagés à
l'extérieur sont fort explicites.
Par ailleurs, Lise et Jocelyn sont chacun responsables de divers secteurs. C'est Joce-lyn qui achète le vin, c'est Lise qui achète les cigarettes. Autant l'autre ne met pas son nez dans ce qui n'est pas son domaine, autant les deux se consultent avant d'inve¬stir et se racontent leurs achats. Le sourire de ces deux propriétaires est contagieux. Par exemple, ils se font souvent demander si les caissières ont suivi des cours de per¬sonnalité, tellements elles sont gentilles et prévenantes. C'est comme ça pour les douze employés incluant les deux cuisinières. Le seul problème, qui n'en n'est pas un pour eux, c'est qu'ils n'ont pas le temps de prendre des vacances. Par contre, on veille jalousement au bien-ètre des deux enfants qui jouent au soccer, font partie du club de ski Epervier et qu pratiquent le karaté entre autres. Et la maman ajoutera: "On ne manque jamais une réunion de parents, c'est vital pour toute la famille".
Comme mot de la fin on dira: "Une per¬sonne qui veut vraiment peut faire bien des choses. Ici, on a toujours de la musique d'ambiance, on n'hésite pas à mettre de la couleur. C'est ça de la vie".